Vies parallèles

Les éditions Vies parallèles par elles-mêmes :

« Si une droite, tombant sur deux droites, fait les angles intérieurs d’un même côté plus petits que deux droits, ces droites, prolongées à l’infini, se rencontreront du côté où les angles sont plus petits que deux droits. » Ce postulat de la théorie euclidienne, communément appelé celui des parallèles, fut pendant deux mille ans considéré comme un théorème, c’est-à-dire démontrable. On le considère de nos jours comme un axiome, c’est-à-dire comme indémontrable. Devenu contingent, il n’est plus nécessaire que dans le cadre d’une géométrie particulière. Il existe donc d’autres systèmes, d’autres géométries, dites non-euclidiennes, où, pourquoi pas, les parallèles se rencontrent enfin, avant l’infini.
Si l’intuition que l’on a de l’espace semble nous éloigner absolument de cette représentation, le langage, lui, paraît avoir investi cet impossible. Ainsi ne dit-on pas « mettre en parallèles » deux « choses », ou deux « réalités », non justement pour marquer leur distance mais bien pour y détecter ce qui les rapproche ? Mettre en parallèle, c’est donc abolir l’impossibilité de rencontre, c’est créer des liens, des croisements, des nœuds. C’est ce que s’était proposé d’écrire Plutarque il y a près de 2 000 ans dans ses Vies des hommes illustres : mettre en parallèles une vie romaine illustre et une autre vie illustre grecque, en en tissant les liens, en s’appuyant sur l’histoire sans faire œuvre d’historien, en arrangeant l’écheveau à sa convenance sans faire œuvre de fiction. C’est à ce puits que s’abreuvera Vies parallèles.
Sans nier l’existence de genres, ni d’en reconnaître l’identité, Vies parallèles aura pour vocation d’éditer des textes qui font fi du cloisonnement. Ne se donnant a priori ni le cadre de l’essai, ni celui de la fiction, si ce n’est pour l’en faire déborder, les ouvrages édités auront pour point commun de n’en avoir que peu – ils différeront.  Convaincu que tout système a ses dehors et que c’est dans ce qui n’est pas soi, dans ce qui se présente souvent comme étant d’abord le plus radicalement autre, que tout peut trouver à s’enrichir.
Très loin du désir de coller au désir supposé d’un lecteur lambda, lui-même souvent supposé crétin, Vies parallèles n’entend pas éditer par défaut. Croyant férocement en l’intelligence du lecteur, la maison d’édition se fera un devoir de l’abreuver en construisant un catalogue échappant aux modes et aux impératifs strictement mercantiles (sans toutefois en méconnaître les impondérables). L’exigence sera son minimum. L’absence de concession sa règle. L’exigence requérant la parcimonie, Vies parallèles éditera peu – trois, quatre titres par an – car il est souhaitable de disjoindre exigence et élitisme, absence de concession et hermétisme. Besoin est surtout d’amener le texte dit « difficile », et donc d’en prendre le temps.
Croyant fermement qu’un livre papier est toujours une technologie de pointe, mais que pour s’en souvenir il faut en parcourir tous les possibles, Vies parallèles apportera un soin particulier au support des textes, voulant refléter dans l’objet-livre l’importance et la différence des textes qui y trouvent place. Ouverte et exigeante, notre maison d’édition voyagera hors clivages, hors carcan et ne se laissera pas enfermer dans le contour étroit d’une droite. Vies parallèles ne se conformera pas. Non Serviam